Le cœur battant des archives communales

Derrière une porte solide de la mairie, loin du tumulte de la rue principale, sommeille un véritable trésor de papier : les archives municipale. Longtemps délaissées, elles sont aujourd’hui soigneusement conservées, numérisées et parfois exposées lors de journées patrimoine, à la curiosité des visiteurs mais aussi à la tendresse des habitants.

  • Les registres paroissiaux et d’état civil : Ici, des lignes serrées racontent les baptêmes, mariages et sépultures à partir de 1668. On y lit la naissance de familles, l’arrivée de prénoms oubliés, des histoires cocasses redécouvertes lors des relevés faits par la Archives départementales de l’Eure.
  • Les délibérations du Conseil municipal : Un carnet d’un autre temps, où l’on découvre par exemple qu’en 1848, le conseil décide d’acquérir un banc d’école supplémentaire, sollicité par le maître d’école M. Poussin, ou encore que la réfection de la cloche fut décidée en 1897 après de vives discussions.
  • Le cadastre napoléonien : La première cartographie officielle du village, réalisée en 1824, révèle l’évolution du paysage agricole, l’implantation des fermes, les noms de champs parfois résonnant encore sous le clocher.

Quelques pièces rares, consultables sur demande, réveillent aussitôt l’imaginaire : la lettre d’une institutrice réclamant du bois pour chauffer l’école durant l’hiver 1917 ou la liste exhaustive des conscrits envoyés au front en 1914. Autant de fenêtres ouvertes sur les petites et grandes histoires du quotidien.

Objets de foi, objets de vie : trésors de l’église Saint-Étienne

L’église Saint-Étienne, pièce centrale du village, abrite à elle seule une collection d’objets sacrés et de souvenirs d’un autre âge. Elle n’a rien d’un musée, mais le moindre recoin semble veiller sur un fragment de l’âme locale.

  • Le retable du XVIII siècle : Pièce maîtresse de l’église, il abrite une statuaire polychrome remarquable par ses détails : la main de Saint Étienne posée sur une pierre sculptée, clin d’œil à la tradition des carriers locaux du début du XIX siècle.
  • La cloche fondue en 1897 : Sur son pourtour, on peut lire la dédicace à “Sainte Marie, à l’usage du peuple de Berengeville-la-Campagne”. Elle rythme encore la vie du village chaque dimanche ; les enfants aiment y retrouver des noms d’anciens inscrits dans le bronze.
  • Un chemin de croix atypique : Daté de 1931, réalisé à la main par les paroissiens à l’époque, il est unique par sa sobriété et la qualité de ses tableaux sur toiles, étonnamment réalistes pour une église rurale (inventaire sur le site du Ministère de la Culture).
  • L’ancien harmonium Debain : Joué pour la première fois en 1902 lors d’un mariage mémorable ; il tient debout malgré les ans et quelques notes fausses, souvenir vivant du temps où le chant portait loin les prières du dimanche.

Les archives des associations et sociétés rurales

Moins institutionnelles, souvent oubliées dans des cartons offerts aux souvenirs, les archives des anciennes sociétés de chasse, de tir, de gymnastique ou des associations féminines sont de véritables mines d’anecdotes savoureuses.

  • La collection de diplômes de la “Société de tir” : De 1904 à 1956, ils témoignent d’un esprit villageois et compétitif (sources : archives privées partagées lors des Journées du Patrimoine).
  • Le livre de correspondances du Comité des fêtes : Cartes postales échangées avec les villages voisins pour inviter aux bals du 14 juillet, lettres manuscrites demandant la venue des forains ou la permission de tirer les feux d’artifice.
  • Les recettes manuscrites de la “Société des mères de famille” : Cahiers à la couverture ornée de fleurs pressées, pleins de trésors comme cette recette inédite du flan normand à la crème, remportant toujours un franc succès lors de la fête du village.

Parfois ressortent des souvenirs plus inattendus : un vieux maillot rouge et or de l’équipe de foot montée de toutes pièces en 1962, des photographies de la troupe théâtrale locale posant devant la salle polyvalente, ruban tricolore en bandoulière… Tout ce qui témoigne d’un passé communautaire riche et vivant.

Les objets du quotidien qui racontent notre ruralité

Certes, à Berengeville-la-Campagne, nous n’avons ni chef-d’œuvre Renaissance ni reliques impériales. Mais les granges, les maisons et même certains jardins abritent leur lot de petits trésors qui racontent la vie réelle et celle de nos anciens.

  • Le pressoir à pommes “Léon” : Fabriqué en 1934 par la famille Duhamel, il a tourné chaque automne, récoltant des milliers de litres de jus sucré – la tradition se perpétue chaque octobre lors de la journée du cidre, ouverte aux curieux.
  • Une coiffe normande de cérémonie : Transmise de mère en fille dans une famille locale depuis 1895, sa dentelle blanche et ses rubans chatoyants sont sortis lors de mariages et processions, puis dormant dans une boîte à chapeau, elle revient au grand jour à la fête du patrimoine.
  • L’horloge du café du village : Accrochée au mur du “Café de la Poste” jusqu’en 1974, elle a compté les heures joyeuses des habitués ; aujourd’hui restaurée, elle orne la maison d’une descendante du dernier cafetier.

Petite mention spéciale pour les nombreuses collections privées, souvent exposées lors des rendez-vous festifs : cartes postales de la Grande Guerre, sabots d’enfants retrouvés dans une ancienne remise, manuels d’école avec notes marginales d’un écolier inspiré… et, pièce rare, une boîte à lettres rurale en fonte (modèle 1922) qui fut fixée à l’entrée du village jusqu’aux débuts de la Poste automobile.

L’histoire vivante des fermes : archives et objets du travail de la terre

Ici, la vie agricole façonne les jours, les familles et les saisons. Les fermes de Berengeville-la-Campagne recèlent souvent leur propre patrimoine, modestement recueilli de génération en génération.

  • Comptes d’exploitation et baux à ferme du XIX siècle : Classés dans de grands registres, ils révèlent la rotation des cultures pratiquées à l’apogée de la betterave, et la part importante du lin, autrefois cultivé sur près de 23 hectares au total, selon les statistiques agricoles de l’époque (archives INSEE, 1882).
  • Le semoir “Japy” de 1901 : Exposé fièrement dans la cour d’une ferme toujours en activité, il fut le premier du village à bénéficier d’un système mécanique, marquant la modernisation progressive des techniques.
  • Un lot de pesons et balances anciennes : Chaque ferme ou presque en conserve une, gravée à ses initiales ou au nom du hameau — outils essentiels du temps où la pesée du lait rythmait la visite du laitier communal (témoignage oral de Mme L.).

Certains murs conservent encore l’empreinte des anciens jetons de l’épicerie - ces “pièces” données aux ouvriers agricoles à la place de la monnaie, servant à régler sur place pain ou farine (pratique datée du début du XX siècle selon “Mémoire de campagne normande”, collectif local, 2019).

Petites archives, grands souvenirs : les dessins d’écoliers et carnets d’antan

L’école, qu’elle soit celle de la trogne ou celle du cartable moderne, garde aussi sa mémoire. Les anciens cahiers retrouvés dans un grenier, les dessins naïfs d’écoliers racontent la vie d’hier et forgent la mémoire collective.

  • Les “petits journaux” d’école de 1948 à 1976 : Chaque classe composait chaque trimestre un numéro local, où l’on retrouve la chronique des blés, des histoires d’animaux, et parfois des bulletins météo dignes d’un poète – tous conservés à la bibliothèque communale.
  • Recueils de chansons et devinettes : Le dimanche après-midi, les enfants se rassemblaient pour chanter les vieux airs normands, parfois notés dans ces petits carnets à couverture verte, collection unique couvrant 1935 à 1957.

Un exemple touchant : le carnet illustré de Lucienne B., institutrice de 1942 à 1957, où l’on lit entre les lignes l’espoir malgré le froid, les alertes de la guerre et les joies discrètes des premiers jours du printemps.

Vers un patrimoine partagé et vivant

À Berengeville-la-Campagne, les objets et archives remarquables ne dorment pas sous verre : ils vivent, ils témoignent, ils nourrissent les échanges entre générations. Que ce soit lors d’une exposition temporaire à la mairie, d’une veillée contée à la ferme ou d’un goûter dans l’ancien café, ils sont les repères d’un village où l’on aime se souvenir ensemble.

Si vous souhaitez vous plonger dans ces histoires, la médiathèque numérique de l’Eure et le site POP du Ministère de la Culture permettent d’accéder à certains inventaires. Mieux encore : poussez la porte d’une grange, questionnez ceux qui savent et venez au hasard d’une fête locale découvrir les trésors du quotidien. Car il n’est de patrimoine plus vivant que celui qui se partage le sourire aux lèvres et les mains dans la main.

Belle balade patrimoniale à tous à Berengeville-la-Campagne !

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