Premiers pas : les origines rurales d’un village normand

Que savons-nous vraiment sur la naissance de Berengeville-la-Campagne ? Comme beaucoup de villages de l’Eure, la commune s’ancre dans une histoire séculaire discrète, mais profonde. Les limons fertiles déposés par la Lédenon, petit ruisseau voisin, ont attiré des familles de paysans bien avant qu’on ne dresse la première pierre du bourg.

Les archives départementales (sources : archives.eure.fr) révèlent la présence d’occupations humaines depuis l’époque gallo-romaine. Quelques fragments de tuiles et de poteries retrouvés pendant l’entre-deux-guerres témoignent d’une vie déjà ordonnée autour des cultures et des troupeaux, sur ce qui n’était alors qu’un hameau à la frontière d’anciennes voies commerciales reliant Évreux à Pont-Audemer.

  • Époque gallo-romaine : des vestiges d’habitats ruraux, des outils, traces d’un « fundus » agricole.
  • Moyen Âge : émergence d’un village structuré, probablement sous la protection d’un seigneur local rattaché à l’évêché d’Évreux.

Du Moyen Âge à la Renaissance : entre seigneurs, foires, et premiers édifices

La première mention écrite de « Berengeville » date du XII siècle, dans le Cartulaire de l’abbaye de Jumièges (réf. Archives départementales, série H). À cette époque, le village est un point de passage pour marchands itinérants et pèlerins. Il obtient progressivement le droit de tenir une foire annuelle autour du 24 juin, pour la Saint-Jean, encore célébrée aujourd’hui par le petit « feu de la Saint-Jean » sur la place centrale.

C’est aussi le début de l’édification religieuse. L’église Saint-Pierre, édifiée entre la fin du XII et le début du XIII siècle, trône sur une petite butte. Mélangeant styles roman et gothique, elle se distingue par :

  • sa tour-clocher du XVI siècle, en silex et calcaire,
  • des vitraux finement restaurés grâce à la générosité d’habitants,
  • un bénitier du XVe siècle, classé monument historique en 1922 (source : Base Mérimée, ministère de la Culture).

Les tourments de la guerre et l’aube d’une modernité discrète

Berengeville-la-Campagne n’a pas échappé à la grande Histoire. Pendant la Guerre de Cent Ans, la région essuya régulièrement les passages d’armées, mais le village fut relativement épargné. Selon certains documents paroissiaux, on note cependant une forte baisse de la population au XVe siècle, probablement liée aux combats et à la peste.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la « Campagne » devient un point de ralliement des paysans du plateau du Neubourg. L’agriculture modèle le paysage : haies vives, pommiers, fermes fortifiées (certaines encore visibles aux alentours, comme la « Ferme du Val »), moulins à vent dont les vestiges ponctuent la route de Beaumont-le-Roger.

  • 1748 : Recensement d’environ 276 âmes.
  • 1789 : La Révolution voit la confiscation de terres seigneuriales, redistribuées à de petites familles rurales, un changement qui bouscule durablement l’organisation villageoise.

Le XIXe siècle marque une ère de transition : l’arrivée du chemin de fer à Évreux, la modernisation des outils agricoles, et l’ouverture, en 1892, de la première école laïque du village (actuelle mairie). Cette école, chère au cœur des anciens, mêle encore aujourd’hui souvenirs d’enfance et bulletins municipaux.

La vie quotidienne au fil des générations : traditions, fêtes et petites histoires

Les fêtes de village étaient jadis le cœur battant de la vie locale. Outre la foire de la Saint-Jean, on se souvient d’autres rendez-vous qui rassemblaient tous les habitants :

  • Le marché au cidre et aux pommes : jusqu’aux années 1960, il faisait venir les producteurs de tout le canton. Des variétés anciennes – la Douce Coët, la Binet Rouge – y étaient troquées contre volailles ou outils de charpentier.
  • Les jeux de quilles derrière l’église, suivis de la soupe partagée et du bal improvisé.

Une tradition qui perdure : le passage des « sonneurs de la Noël », une équipe d’enfants qui, chaque 24 décembre, chantent de porte en porte en échange de friandises. La coutume avait failli disparaître dans les années 1980, mais elle fut remise à l’honneur par une institutrice passionnée de patrimoine oral, Madame Lemaire (source : entretien familial).

Patrimoine bâti : ce que le temps a laissé en partage

Certaines maisons du village racontent à elles seules une page d’histoire. L’habitat traditionnel, typique du pays d’Ouche, mêle :

  • Colombages de chêne, torchis ocré, tuiles plates rouges.
  • Portails monumentaux menant à d’anciennes fermes, souvent ceintes de murs épais contre les vents du nord.
  • La « Maison du Notaire » : bâtiment du XVIIIe siècle, inscrit à l’inventaire des Monuments historiques en 1986, célèbre pour son escalier en volée droite et ses fresques paysagères peintes en grisaille.

Un autre trésor bien gardé : les lavoirs. Le plus connu, celui du Gué Saint-Pierre, date de 1853, restauré en 2005 par un chantier de jeunes bénévoles venu des environs. C’est ici que l’on vient écouter, les soirs d’été, des contes sur le passé maraîcher de la vallée.

Personnalités et figures marquantes : ceux qui ont fait rayonner Berengeville-la-Campagne

  • Marie-Ange Leprince, institutrice, également mémoire de la commune, qui recensa à la main les histoires transmises lors de la veillée d’hiver.
  • Alain Dupuis (1945-2008) : vétérinaire et maire pendant plus de vingt ans, il contribua à la sauvegarde de nombreux bâtiments anciens et lança le jumelage du village avec Berenge, dans le Dorset (source : bulletin municipal, 1996).
  • La famille Briand : lignée de cultivateurs, dont les membres ont pris part à la résistance locale durant la Seconde Guerre mondiale, hébergeant notamment des réfractaires au STO.

La communauté actuelle s’efforce de garder trace de ces parcours singuliers lors de l’exposition annuelle, organisée à la salle du Conseil chaque premier dimanche d’octobre.

Petites curiosités et patrimoine naturel

  • Un chêne bicentenaire, surnommé « le Sage », près du cimetière, abri traditionnel des amoureux et point de rendez-vous des anciens « racontars ».
  • Le chemin des Tilleuls : alignement de soixante-deux arbres planté après la victoire de 1918, en hommage aux soldats du village, entretenu aujourd’hui par les enfants de l’école lors du « Printemps des Jardins ».
  • Le panorama du Mont Saint-Germain, petite colline à la sortie du village, offre une vue à 360° sur la campagne et la vallée de l’Iton, prisée des promeneurs et des artistes du dimanche (voir carnet de croquis dans la bibliothèque municipale).

Perspectives et invitation à la découverte

Explorer Berengeville-la-Campagne, c’est feuilleter le grand livre d’une Normandie à taille humaine : ici, la mémoire ne s’inscrit pas que dans la pierre, mais vibre aussi dans chaque anecdote partagée au détour d’un banc public ou sur le marché du samedi. Bien au-delà des guides classiques, le patrimoine du village se révèle à qui sait s’attarder, écouter ou s’interroger sur la silhouette d’un arbre, la forme d’un portail, l’origine d’un nom de rue.

  • La commune compte aujourd’hui environ 410 habitants (Insee 2020),
  • Une dizaine de lieux et monuments classés ou inscrits à l’inventaire régional,
  • Signature du « Parcours Patrimoine », balisé et accessible à tous, à retirer à la mairie ou en ligne sur le site officiel de la communauté de communes.

Chaque visite, chaque conversation y ajoute sa pierre. À qui sait ouvrir les yeux et prêter l’oreille, Berengeville-la-Campagne murmure que l’histoire se continue, à petits pas, dans la lumière douce et vive de la campagne normande.

En savoir plus à ce sujet :

Vivre, découvrir et savourer la campagne normande

Berengeville-la-Campagne : mille ans de quotidien rural, miroir de notre identité

21/08/2025 À Berengeville-la-Campagne, nul besoin de remonter bien loin : le moindre chemin creux, les haies touffues et les cimes fruitières rappellent que, depuis des siècles, l’humain modèle la campagne. L’openfield normand – ce patchwork de champs ouverts entrecoup...

Tout savoir sur la géographie et la nature authentique de Berengeville-la-Campagne

02/11/2025 Impossible de comprendre Berengeville-la-Campagne sans laisser ses pas, ou a minima ses pensées, s’égarer au gré de son relief. Ce petit village de l’Eure, perché à une vingtaine de kilomètres d’Évreux, fait partie de ces territoires...

Visages d’hier, mémoires d’ici : ceux qui ont façonné Berengeville-la-Campagne

31/08/2025 Remonter le temps, c’est d’abord s’arrêter devant la silhouette trapue de l’église Saint-Martin, datée du Moyen Âge. Car dès le XII siècle, notre village relevait de la baronnie d’Harcourt (source : Wikipedia...

Les secrets naturels et géographiques de Berengeville-la-Campagne, révélés par ses habitants

02/10/2025 Dire “Berengeville-la-Campagne”, c’est évoquer un point sur la carte, certes, mais surtout une mosaïque de paysages, de terres et d’horizons. Niché dans le département de l’Eure, à une douzaine de kilomètres au sud-est d’Évreux...

Découvrir Berengeville-la-Campagne : sa géographie, ses paysages, sa nature vivante

24/09/2025 Avant même de poser les yeux sur le clocher, de sentir la brume du matin sur la campagne ou d’entendre le chant timide d’une mésange, Berengeville-la-Campagne, c’est d’abord un écrin de verdure entouré de...
Haut