Que savons-nous vraiment sur la naissance de Berengeville-la-Campagne ? Comme beaucoup de villages de l’Eure, la commune s’ancre dans une histoire séculaire discrète, mais profonde. Les limons fertiles déposés par la Lédenon, petit ruisseau voisin, ont attiré des familles de paysans bien avant qu’on ne dresse la première pierre du bourg.
Les archives départementales (sources : archives.eure.fr) révèlent la présence d’occupations humaines depuis l’époque gallo-romaine. Quelques fragments de tuiles et de poteries retrouvés pendant l’entre-deux-guerres témoignent d’une vie déjà ordonnée autour des cultures et des troupeaux, sur ce qui n’était alors qu’un hameau à la frontière d’anciennes voies commerciales reliant Évreux à Pont-Audemer.
La première mention écrite de « Berengeville » date du XII siècle, dans le Cartulaire de l’abbaye de Jumièges (réf. Archives départementales, série H). À cette époque, le village est un point de passage pour marchands itinérants et pèlerins. Il obtient progressivement le droit de tenir une foire annuelle autour du 24 juin, pour la Saint-Jean, encore célébrée aujourd’hui par le petit « feu de la Saint-Jean » sur la place centrale.
C’est aussi le début de l’édification religieuse. L’église Saint-Pierre, édifiée entre la fin du XII et le début du XIII siècle, trône sur une petite butte. Mélangeant styles roman et gothique, elle se distingue par :
Berengeville-la-Campagne n’a pas échappé à la grande Histoire. Pendant la Guerre de Cent Ans, la région essuya régulièrement les passages d’armées, mais le village fut relativement épargné. Selon certains documents paroissiaux, on note cependant une forte baisse de la population au XVe siècle, probablement liée aux combats et à la peste.
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la « Campagne » devient un point de ralliement des paysans du plateau du Neubourg. L’agriculture modèle le paysage : haies vives, pommiers, fermes fortifiées (certaines encore visibles aux alentours, comme la « Ferme du Val »), moulins à vent dont les vestiges ponctuent la route de Beaumont-le-Roger.
Le XIXe siècle marque une ère de transition : l’arrivée du chemin de fer à Évreux, la modernisation des outils agricoles, et l’ouverture, en 1892, de la première école laïque du village (actuelle mairie). Cette école, chère au cœur des anciens, mêle encore aujourd’hui souvenirs d’enfance et bulletins municipaux.
Les fêtes de village étaient jadis le cœur battant de la vie locale. Outre la foire de la Saint-Jean, on se souvient d’autres rendez-vous qui rassemblaient tous les habitants :
Une tradition qui perdure : le passage des « sonneurs de la Noël », une équipe d’enfants qui, chaque 24 décembre, chantent de porte en porte en échange de friandises. La coutume avait failli disparaître dans les années 1980, mais elle fut remise à l’honneur par une institutrice passionnée de patrimoine oral, Madame Lemaire (source : entretien familial).
Certaines maisons du village racontent à elles seules une page d’histoire. L’habitat traditionnel, typique du pays d’Ouche, mêle :
Un autre trésor bien gardé : les lavoirs. Le plus connu, celui du Gué Saint-Pierre, date de 1853, restauré en 2005 par un chantier de jeunes bénévoles venu des environs. C’est ici que l’on vient écouter, les soirs d’été, des contes sur le passé maraîcher de la vallée.
La communauté actuelle s’efforce de garder trace de ces parcours singuliers lors de l’exposition annuelle, organisée à la salle du Conseil chaque premier dimanche d’octobre.
Explorer Berengeville-la-Campagne, c’est feuilleter le grand livre d’une Normandie à taille humaine : ici, la mémoire ne s’inscrit pas que dans la pierre, mais vibre aussi dans chaque anecdote partagée au détour d’un banc public ou sur le marché du samedi. Bien au-delà des guides classiques, le patrimoine du village se révèle à qui sait s’attarder, écouter ou s’interroger sur la silhouette d’un arbre, la forme d’un portail, l’origine d’un nom de rue.
Chaque visite, chaque conversation y ajoute sa pierre. À qui sait ouvrir les yeux et prêter l’oreille, Berengeville-la-Campagne murmure que l’histoire se continue, à petits pas, dans la lumière douce et vive de la campagne normande.
Vivre, découvrir et savourer la campagne normande