Le cœur du village de Berengeville-la-Campagne bat depuis des siècles autour d’une silhouette familière : l’église Saint-Germain. Beaucoup d’entre nous, qu’on soit de passage ou du coin, n’y voient pas tout de suite un trésor remarquable. Pourtant, pousser la vieille porte, c’est entrer dans un roman qui commence bien avant nos grands-parents. L’église actuelle s’épanouit sur les bases d’un sanctuaire mentionné pour la première fois en 1165 dans un cartulaire de l’abbaye de Saint-Ouen de Rouen (source : BNF), rappelant à quel point la spiritualité et la terre se mêlaient, main dans la main, au Moyen Âge.
Pillée et partiellement détruite pendant la Guerre de Cent Ans, l’église a connu plusieurs phases de reconstruction. Les travaux les plus marquants datent de la première moitié du XVI siècle, période où la prospérité agricole permet l’embellissement du lieu avec une nef de style gothique flamboyant normand. Quelques éléments d’époque romane (chapiteaux, bases de colonnes) subsistent encore : ils murmurent, à qui sait regarder, la modeste grandeur médiévale.
L’église de Berengeville n’a rien d’un gigantesque vaisseau gothique. Elle relève plutôt de ces églises rurales à taille humaine, où chaque pierre semble patinée par une main amie. Ce n’est pas la richesse qui frappe, mais l’attention portée au détail.
Aucune église de campagne n’est tout à fait muette. Celle de Berengeville recèle des histoires qu’on se chuchote encore lors des veillées.
L’église n’est pas qu’un monument figé. Elle a traversé des épreuves, à commencer par la Révolution française qui voit partir nombre de ses objets liturgiques. Les autels latéraux, les statues de saints régionaux (Sainte Austreberthe, Saint Fiacre), ainsi qu’un retable doré ont été vendus, démantelés ou tout simplement disparus.
Comme témoins muets et familiers du temps, des graffitis anciens sont gravés sur le banc de pierre à l’entrée. On peut lire des initiales, des cœurs, parfois une date effacée. Les mariages, les processions, les jours de fête ont fait vibrer ces murs, et on devine encore l’écho discret des chants d’autrefois lors des rares messes d’aujourd’hui.
Dans le quotidien de Berengeville, l’église garde un rôle apaisant. Elle s’ouvre aux grandes cérémonies (Noël, mariages, obsèques) et accueille parfois concerts ou lectures poétiques, où l’acoustique s’avère étonnante. Il n’est pas rare de croiser un promeneur qui, clefs prêtées par la mairie, vient s’imprégner de fraîcheur et de silence.
Pour ceux qui, parfois, s’interrogent sur le « sens » du patrimoine, la vie de l’église rappelle que le patrimoine, c’est avant tout une histoire d’attachement. Un espace commun où se mêlent les souvenirs du village et la promesse d’autres moments à partager.
À travers ses restaurations, ses blessures et ses joies, l’église raconte autant qu’elle abrite. Elle est, pour beaucoup, la gardienne tranquille des secrets de Berengeville, mais surtout un point de ralliement discret, tissé de siècles de vie commune.
L’invitée, la discrète étoile du patrimoine normand, l’église de Berengeville-la-Campagne tisse ses liens entre hier et aujourd’hui. Elle n’attend qu’un regard curieux, un pas discret ou l’émerveillement d’un enfant pour entonner à nouveau son histoire.
Et pour ceux qui, un jour, pousseront la porte, il y a fort à parier qu’ils repartiront avec plus qu’une photo. Comme un fil invisible, la mémoire de nos villages ne demande qu’à être attrapée.
Sources principales : Patrimoine Normand, Archives départementales de Normandie, BNF Data, Office de Tourisme Seine-Eure, recueil oral local.
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